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Temoignages

RENÉ LOSQ, MARIN PÊCHEUR

Douarnenez, on était souvent marin pêcheur de père en fils. René Losq ne déroge pas à la règle et raconte ses débuts en mer en 1955, une époque où la pêche à la sardine se faisait au filet droit.
 
J’ai démarré à 13 ans sur le René, un bateau à la coque en bois de pin appelé pinasse. La saison de la sardine se déroulait d'ordinaire de juillet à novembre, et on partait à la pêche le matin vers 3 ou 4 heures. J’étais mousse à l’époque. Nous étions 12 à bord : le patron, l’équipage et quatre canotiers, qui pêchaient la sardine à bord de petits canots de 4 mètres. L’un tenait le canot « bout au vent » ou au courant avec deux avirons. L’autre était boëtteur (de boued, nourriture en breton) et lançait la  rogue,  composée  d'œufs  de  morue  qui  venait  de  Norvège,  pour appâter le poisson.
 
La technique utilisée dans les années 50 était celle du filet droit. Il mesurait environ 15 mètres de long et 8 mètres de profondeur et flottait avec des lièges (360 lièges sur un seul filet !). Chaque marin embarquait avec son filet, même le mousse. En fonction de la saison, la maille changeait de taille, car entre juillet et novembre, le poisson avait grandi. Donc les marins pêcheurs avaient une multitude de filets aux mailles différentes.
 
À l’époque, on travaillait sans sondeur ni radio. Pour localiser le poisson, tout se faisait à l’œil. Il fallait avoir la vue aiguisée et surveiller les oiseaux, notamment le Fou de Bassan, un bon indicateur pour repérer les bancs de poissons. On se fiait également à la couleur de l'eau, qui n’était pas la même en présence de zooplanctons (petits animaux) ou de phytoplanctons (algues microscopique).
 
Arrivés sur une zone de pêche, on larguait les canots remorqués à l’arrière du bateau et c’était aux canotiers de travailler. Il fallait calculer avec le courant et mettre le canot au vent, puis donner des petits coups d'aviron pour que le filet reste bien droit dans l'eau.
 
Quand on apercevait des petites bulles à la surface, cela signifiait que la sardine remontait. Elle se prenait alors les ouïes dans le filet. Et quand les lièges s’enfonçaient un peu dans l’eau, le filet était plein. Le boëtteur laissait alors dériver le filet, et les 8 marins dans le sardinier le relevaient. Le boëtteur, lui, remettait un autre filet à l’eau.
 
Sur le bateau, il fallait démailler le poisson et le mettre dans des caisses de 10 et 12 kg qu’on empilait les unes sur les autres en quinconce sans abîmer la sardine. Les bons jours, on pouvait ramasser jusqu’à 800 kg de poissons ! Au retour de pêche, on trouvait deux types d’acheteurs : les mareyeurs et les usiniers.
 
À terre, il fallait entretenir les filets de coton, qui étaient fragiles. La première chose était de les mettre à sécher, puis les femmes ou les marins eux-mêmes les ramendaient, car les hommes ou les poissons endommageaient parfois les mailles. Pour traiter les filets et éviter qu’ils pourrissent, on les trempait dans un bain à base de sulfate de cuivre, qui leur donnait une belle couleur bleue. Et tous les ans en juin, on mettait le bateau sur la grève pour le nettoyer et le peindre.
 

Pêcheur breton nous raconteCrédit photo : Pinasse "Massabielle" DZ 3808 - Douarnenez, histoire d'une ville, J.M. Le Boulanger, Ed. Palantines, 2000.